YOUNÈS BENYAHIA, ARTISTE-PEINTRE ET CALLIGRAPHE, À L’EXPRESSION
«Au service de l’identité berbère»
22 Février 2011
Il est né en Kabylie, a suivi des études artistiques à Constan-tine, puis à l’Ecole des beaux-arts d’Alger. En l’an 2000, déçu par une atmosphère qui ne lui semblait pas assez propice pour lui permettre d’évoluer dans son art, il décide de quitter l’Algérie pour aller «là où les perspectives de réussite et l’espace de création étaient favorables.» Il atterrira en France, connaîtra un peu la galère des nouveaux débarqués, mais son talent, sa persévérance, sa volonté de montrer ce dont il était capable et son envie de faire connaître et partager ces richesses héritées du patrimoine berbère et transmises par les ancêtres, feront en sorte de lui baliser le terrain et lui ouvriront les portes d’un domaine tout en beauté et en richesse, où le brassage des cultures fait des merveilles. Fier de son identité berbère, Younès Benyahia ne s’y enferme pas, bien au contraire, il s’en sert pour s’ouvrir au monde et la faire connaître. Aimant les couleurs, le partage et l’art, il les utilise admirablement pour exprimer les jolis tons de sa Kabylie natale à travers ses oeuvres, et en donnant des cours de calligraphie ou en organisant des ateliers de peinture, lieu de partage et d’échanges, où le maître mot est l’art, quelle que soit son identité et dans toute sa splendeur...
L’Expression: Parlez-nous un peu de votre parcoursYounès Benyahia: Parler de mon parcours est un exercice assez habituel, ce n’est pas en raison du fait que je suis confronté tous les jours à des journalistes qui me traquent, tellement je suis connu et reconnu, mais c’est simplement un ego d’artiste qui aime bien présenter son modeste chemin de vie, oh! combien riche en surprises, rencontres, trouvailles, illusions et désillusion... et pour ça, je dirais que la richesse d’une oeuvre et sa valeur en beauté n’ont d’égal que le vécu de son créateur. Après un «calage» en terminale pour la seconde fois, j’ai décidé de rentrer aux Beaux-Arts sur le conseil d’un ami qui avait été aussi mon professeur de dessin au lycée.
Les hauteurs d’Azazga, à Tizi Ouzou, offraient un cadre idéal pour la création, dans les anciens chalets abandonnés de l’époque coloniale. J’y ai passé l’année scolaire 1992/1993, c’était la deuxième année d’existence de cette école et sa dernière jusqu’à sa réouverture en 1999. A la fermeture de l’Ecole des beaux-arts d’Azazga, je me suis inscrit à l’Ecole de Constantine où j’ai pu terminer mes études.
En 1997, je me suis inscrit à l’Ecole supérieure des beaux-arts d’Alger, jusqu’en 2000 où j’ai interrompu mes études pour partir en France, là où les perspectives de réussite et l’espace de création étaient favorables.
Quels sont les moments forts de ce parcours?
Les moments les plus marquants sont, certainement, pendant l’année que j’ai passée aux Beaux-Arts d’Azazga. C’était tout nouveau pour moi. Le cadre était agréable et les difficultés rencontrées à cette époque, lors de mes études (absence de moyens pédagogiques et financiers), ont donné un goût particulier à mes débuts dans ce milieu.
Constantine a aussi été une étape importante pour moi. C’était la première fois que je me retrouvais dans une grande ville et pas n’importe laquelle, la ville du Rocher et des Ponts suspendus. C’était tout simplement magnifique, à Constantine...
J’ai pu y rencontrer d’autre talents venus d’autres régions d’Algérie, et pour la première fois aussi, je me rendais compte des différences culturelles qui faisaient la richesse de mon pays.
Parlez-nous de votre travail dans l’association Awal Grand Lyon?
En arrivant en France, j’ai commencé à réaliser des petits formats (paysages, portraits et calligraphies) pour pouvoir vivre. C’est ce qui m’a fait connaître l’association «Awal Grand Lyon», et bien d’autres associations qui oeuvrent dans le domaine culturel et social, pour faire découvrir la culture berbère en général et algérienne en particulier, à travers des ateliers organisés à l’occasion du Printemps berbère, et de nombreux autres programmes relatifs aux «Découvertes berbères».
En 2005, j’ai organisé, en collaboration avec cette association, un atelier-découverte de
l’architecture de la maison kabyle», à travers lequel on avait réalisé une maquette avec des enfants issus de l’immigration.
Depuis 2 ans, chaque année, je suis invité par l’Union des familles musulmanes à Marseille pour célébrer la fête de l’Aïd à travers des ateliers de calligraphie berbère, en compagnie d’autres artistes, calligraphes, auteurs, cinéastes, écrivains...
Pourquoi ce choix de l’abstrait dans vos oeuvres?
Pourquoi l’abstrait? En cherchant bien, pourquoi j’en suis venu à faire de la peinture abstraite, je replonge dans mes souvenirs d’enfance, quand je contemplais la texture d’un mur irrégulier, une porte usée par le temps, des formes de nuages qui changent, des rochers qui, parfois, prennent des formes d’animaux ou tout simplement des formes qui ne m’évoquaient rien. Ceci alimentait mon imagination, mais pas encore ma créativité, car je n’avais pas encore la notion de l’art.
Avant de passer aux créations abstraites, ma formation aux Beaux-Arts était académique, ce qui m’a mené à faire beaucoup de peintures figuratives, à l’époque de ma scolarité, pour avoir de l’argent de poche, ainsi qu’à mes débuts en France pour subsister. Ma collaboration avec des associations telles que «Awal Grand Lyon» m’a amené à faire découvrir l’écriture berbère (le tifinagh) et les symboles berbères à travers le tatouage, la tapisserie, et d’autres domaines de l’artisanat, ainsi que les dessins rupestres.
De là, mon travail a évolué vers une composition de plus en plus abstraite où je garde juste l’essentiel de ce que j’ai aimé comme impressions données par ces textures de murs irréguliers, ces paysages architecturaux, ces firmaments aux lumières changeantes.
Avez-vous un message à transmettre à travers vos oeuvres?
Mes oeuvres ne transmettent pas un message particulier, si ce n’est ma vie, à travers tous ses états et sensations qui évoluent constamment. Je donne aussi des cours de dessin, de peinture et j’anime des ateliers dans le but de faire découvrir certains aspects de ma culture, et de partager la passion de créer.
Pourquoi ces couleurs trop vives, puis atténuées?
Ma vision des couleurs vives correspond, en quelque sorte, à des sensations plus ou moins fortes, ou des sons plus ou moins aigus ou graves. C’est aussi un moyen de communication percutant et même qui pourrait être, dans certaines situations, agressif, et manquant de tempérance. L’harmonie est, dans une certaine mesure, la sagesse de ne pas interpeller par la force du contraste ou de la couleur, mais par la douceur et le repos que procure la lecture de cette dernière.
Pourquoi ce thème récurrent de la ville et l’utilisation des formes?
Etant donné que je suis né et que j’ai grandi dans un petit village reculé des montagnes de Kabylie, j’ai découvert la ville très tardivement et ce n’est pas n’importe quelle ville. C’est Constantine, la capitale de mes ancêtres, avec son histoire, son architecture, ses ponts, ses contrastes. Les formes utilisées (carré, courbe, ou demi cercle) sont les plus représentatives et à la fois abstraites. Représentatives parce que ce sont les formes qui composent toutes les constructions. Et abstraites, parce que c’est l’abstraction même de toutes ces constructions une fois décomposées. Entre le ciel et ces architectures, on trouve dans toutes les cultures et dans toutes les villes des formes qui, souvent, se rapprochent (minarets, clochers, flèches, pyramides) et qui montent vers une unité.
Avez-vous exposé en Algérie?
Mes seules expositions en Algérie remontent à l’époque où j’étais étudiant, expositions collectives avec d’autres étudiants des Beaux-Arts.
Un dernier mot?
Je ne perds pas mon souhait de voir, un jour, mes toiles accrochées sur les murs de galeries d’art de mon pays, comme celles de tant d’autres artistes.
«Au service de l’identité berbère»
22 Février 2011
Il est né en Kabylie, a suivi des études artistiques à Constan-tine, puis à l’Ecole des beaux-arts d’Alger. En l’an 2000, déçu par une atmosphère qui ne lui semblait pas assez propice pour lui permettre d’évoluer dans son art, il décide de quitter l’Algérie pour aller «là où les perspectives de réussite et l’espace de création étaient favorables.» Il atterrira en France, connaîtra un peu la galère des nouveaux débarqués, mais son talent, sa persévérance, sa volonté de montrer ce dont il était capable et son envie de faire connaître et partager ces richesses héritées du patrimoine berbère et transmises par les ancêtres, feront en sorte de lui baliser le terrain et lui ouvriront les portes d’un domaine tout en beauté et en richesse, où le brassage des cultures fait des merveilles. Fier de son identité berbère, Younès Benyahia ne s’y enferme pas, bien au contraire, il s’en sert pour s’ouvrir au monde et la faire connaître. Aimant les couleurs, le partage et l’art, il les utilise admirablement pour exprimer les jolis tons de sa Kabylie natale à travers ses oeuvres, et en donnant des cours de calligraphie ou en organisant des ateliers de peinture, lieu de partage et d’échanges, où le maître mot est l’art, quelle que soit son identité et dans toute sa splendeur...
L’Expression: Parlez-nous un peu de votre parcoursYounès Benyahia: Parler de mon parcours est un exercice assez habituel, ce n’est pas en raison du fait que je suis confronté tous les jours à des journalistes qui me traquent, tellement je suis connu et reconnu, mais c’est simplement un ego d’artiste qui aime bien présenter son modeste chemin de vie, oh! combien riche en surprises, rencontres, trouvailles, illusions et désillusion... et pour ça, je dirais que la richesse d’une oeuvre et sa valeur en beauté n’ont d’égal que le vécu de son créateur. Après un «calage» en terminale pour la seconde fois, j’ai décidé de rentrer aux Beaux-Arts sur le conseil d’un ami qui avait été aussi mon professeur de dessin au lycée.
Les hauteurs d’Azazga, à Tizi Ouzou, offraient un cadre idéal pour la création, dans les anciens chalets abandonnés de l’époque coloniale. J’y ai passé l’année scolaire 1992/1993, c’était la deuxième année d’existence de cette école et sa dernière jusqu’à sa réouverture en 1999. A la fermeture de l’Ecole des beaux-arts d’Azazga, je me suis inscrit à l’Ecole de Constantine où j’ai pu terminer mes études.
En 1997, je me suis inscrit à l’Ecole supérieure des beaux-arts d’Alger, jusqu’en 2000 où j’ai interrompu mes études pour partir en France, là où les perspectives de réussite et l’espace de création étaient favorables.
Quels sont les moments forts de ce parcours?
Les moments les plus marquants sont, certainement, pendant l’année que j’ai passée aux Beaux-Arts d’Azazga. C’était tout nouveau pour moi. Le cadre était agréable et les difficultés rencontrées à cette époque, lors de mes études (absence de moyens pédagogiques et financiers), ont donné un goût particulier à mes débuts dans ce milieu.
Constantine a aussi été une étape importante pour moi. C’était la première fois que je me retrouvais dans une grande ville et pas n’importe laquelle, la ville du Rocher et des Ponts suspendus. C’était tout simplement magnifique, à Constantine...
J’ai pu y rencontrer d’autre talents venus d’autres régions d’Algérie, et pour la première fois aussi, je me rendais compte des différences culturelles qui faisaient la richesse de mon pays.
Parlez-nous de votre travail dans l’association Awal Grand Lyon?
En arrivant en France, j’ai commencé à réaliser des petits formats (paysages, portraits et calligraphies) pour pouvoir vivre. C’est ce qui m’a fait connaître l’association «Awal Grand Lyon», et bien d’autres associations qui oeuvrent dans le domaine culturel et social, pour faire découvrir la culture berbère en général et algérienne en particulier, à travers des ateliers organisés à l’occasion du Printemps berbère, et de nombreux autres programmes relatifs aux «Découvertes berbères».
En 2005, j’ai organisé, en collaboration avec cette association, un atelier-découverte de
l’architecture de la maison kabyle», à travers lequel on avait réalisé une maquette avec des enfants issus de l’immigration.
Depuis 2 ans, chaque année, je suis invité par l’Union des familles musulmanes à Marseille pour célébrer la fête de l’Aïd à travers des ateliers de calligraphie berbère, en compagnie d’autres artistes, calligraphes, auteurs, cinéastes, écrivains...
Pourquoi ce choix de l’abstrait dans vos oeuvres?
Pourquoi l’abstrait? En cherchant bien, pourquoi j’en suis venu à faire de la peinture abstraite, je replonge dans mes souvenirs d’enfance, quand je contemplais la texture d’un mur irrégulier, une porte usée par le temps, des formes de nuages qui changent, des rochers qui, parfois, prennent des formes d’animaux ou tout simplement des formes qui ne m’évoquaient rien. Ceci alimentait mon imagination, mais pas encore ma créativité, car je n’avais pas encore la notion de l’art.
Avant de passer aux créations abstraites, ma formation aux Beaux-Arts était académique, ce qui m’a mené à faire beaucoup de peintures figuratives, à l’époque de ma scolarité, pour avoir de l’argent de poche, ainsi qu’à mes débuts en France pour subsister. Ma collaboration avec des associations telles que «Awal Grand Lyon» m’a amené à faire découvrir l’écriture berbère (le tifinagh) et les symboles berbères à travers le tatouage, la tapisserie, et d’autres domaines de l’artisanat, ainsi que les dessins rupestres.
De là, mon travail a évolué vers une composition de plus en plus abstraite où je garde juste l’essentiel de ce que j’ai aimé comme impressions données par ces textures de murs irréguliers, ces paysages architecturaux, ces firmaments aux lumières changeantes.
Avez-vous un message à transmettre à travers vos oeuvres?
Mes oeuvres ne transmettent pas un message particulier, si ce n’est ma vie, à travers tous ses états et sensations qui évoluent constamment. Je donne aussi des cours de dessin, de peinture et j’anime des ateliers dans le but de faire découvrir certains aspects de ma culture, et de partager la passion de créer.
Pourquoi ces couleurs trop vives, puis atténuées?
Ma vision des couleurs vives correspond, en quelque sorte, à des sensations plus ou moins fortes, ou des sons plus ou moins aigus ou graves. C’est aussi un moyen de communication percutant et même qui pourrait être, dans certaines situations, agressif, et manquant de tempérance. L’harmonie est, dans une certaine mesure, la sagesse de ne pas interpeller par la force du contraste ou de la couleur, mais par la douceur et le repos que procure la lecture de cette dernière.
Pourquoi ce thème récurrent de la ville et l’utilisation des formes?
Etant donné que je suis né et que j’ai grandi dans un petit village reculé des montagnes de Kabylie, j’ai découvert la ville très tardivement et ce n’est pas n’importe quelle ville. C’est Constantine, la capitale de mes ancêtres, avec son histoire, son architecture, ses ponts, ses contrastes. Les formes utilisées (carré, courbe, ou demi cercle) sont les plus représentatives et à la fois abstraites. Représentatives parce que ce sont les formes qui composent toutes les constructions. Et abstraites, parce que c’est l’abstraction même de toutes ces constructions une fois décomposées. Entre le ciel et ces architectures, on trouve dans toutes les cultures et dans toutes les villes des formes qui, souvent, se rapprochent (minarets, clochers, flèches, pyramides) et qui montent vers une unité.
Avez-vous exposé en Algérie?
Mes seules expositions en Algérie remontent à l’époque où j’étais étudiant, expositions collectives avec d’autres étudiants des Beaux-Arts.
Un dernier mot?
Je ne perds pas mon souhait de voir, un jour, mes toiles accrochées sur les murs de galeries d’art de mon pays, comme celles de tant d’autres artistes.
Samira BENDRIS
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